Alexandre Dumas
Cochon. - «C’est le roi des animaux immondes, dit Grimod de la Reynière, dans l’éloge qu’il fait de cet animal; c’est celui dont l’empire est le plus universel et les qualités les moins contestées. Sans lui, point de lard, et par conséquent, point de cuisine; sans lui, point de jambon, point de saucisson, point d’andouilles, point de boudins noirs, et par conséquent, point de charcutiers. «Gras médecins, continue Grimod de la Reynière, en s’élevant jusqu’au style lyrique, vous condamnez le cochon et il est sous le rapport des indigestions l’un des plus beaux fleurons de votre couronne.» Puis retombant au style familier: «La cochonnaille, continue-t-il, est beaucoup meilleure à Troyes et à Lyon que partout ailleurs. Les cuisses et les épaules de cochon ont fait la fortune de deux villes: Mayence et Bayonne. Tout est bon en lui; par quel oubli coupable a-t-on pu faire de son nom une injure grossière?» Et par quel ingrat oubli M. Grimod de la Reynière ne se souvient-il pas lui- même que c’est à la finesse de l’odorat du cochon que nous devons les truffes; et de quelle façon le cochon est-il récompensé pour chaque truffe qu’il trouve, et qu’il permet à l’homme de mettre dans son panier? Et comment n’admire-t-on pas la persistance de l’intrépide chercheur et sa patience gastronomique qui a sur lui cette bienheureuse influence de toujours le tromper, non pas dans sa recherche, mais dans son résultat; il persiste toujours à chercher pour être battu et voit la truffe lui passer devant le grouin. Au reste, au mot truffe nous nous étendrons plus longuement sur ce produit que les savants ont placé entre le règne minéral et le règne végétal, ne sachant auquel des deux l’appliquer. Le cochon était la principale nourriture des Gaulois, aussi en avaient-ils des troupeaux considérables. Les Romains les faisaient cuire entiers et de différentes manières; une de ces manières consistait à les faire bouillir d’un côté et rôtir de l’autre. La seconde s’appelait à la Troyenne, par allusion au cheval de Troie dont l’intérieur était rempli de combattants. Celui du cochon se farcissait de bec- figues, d’huîtres, de grives, le tout arrosé de bons vins et de jus exquis; ces mets devinrent si chers que le sénat fit une loi somptuaire pour les défendre. Athénée parle d’un marcassin à demi bouilli, à demi rôti préparé par un cuisinier qui avait eu l’art de le vider et de le farcir sans l’éventrer; il avait fait un petit trou sous une épaule. L’animal lavé en dedans par du vin avait été ensuite farci par la gueule. Les Egyptiens regardaient le cochon comme un animal immonde, si quelqu’un par mégarde avait touché à un cochon, il devait de suite pour se purifier entrer dans le Nil avec ses habits. Un seul jour et dans une seule circonstance, il était permis de manger du cochon, c’était au moment de la pleine lune: l’animal était alors immolé à Bacchus et à Phoebé. Tout le monde sait que les Israélites regardent la chair du cochon comme une chair immonde; mais tout le monde sait aussi que cette prescription est plus hygiénique que religieuse; le pays où les cochons acquièrent le plus haut degré de délicatesse, sans doute par les fréquentes occasions qu’ils ont, si l’on en croit, à tort d’ailleurs, les pères jésuites, de manger de la chair humaine est la Chine; aussi les Chinois font-ils du cochon la base de tous les festins et leurs jambons ont-ils une qualité supérieure à ceux de tous les pays. En 1131 mourut le jeune roi Philippe, que Louis le Gros, son père, avait associé au royaume et fait couronner à Reims. En passant dans une rue étroite un cochon s’embarrassa dans les jambes de son cheval, son cheval s’abattit et le jeune prince se heurta si vivement la tête qu’il en mourut le lendemain; il fut alors défendu de laisser vaquer les pourceaux dans les rues; la crainte de déplaire à saint Antoine fit que l’on excepta de cette défense ceux de l’abbaye du digne saint, mais à la condition qu’ils auraient une clochette au cou. En 1386, par sentence du juge de Falaise, une truie fut condamnée à être mutilée et pendue, pour avoir tué un enfant. En 1394, dans la paroisse de Roumaigne, vicomté de Morraigne, un porc fut condamné pour le même crime. Humbert, Dauphin du Viennois, partant pour la croisade, en 1345 (nous laissons aux savants à dire quelle fut cette croisade), Humbert Dauphin du Viennois fit un règlement par lequel il fixa la maison de la Dauphine, son épouse, à trente personnes; or, pour ces trente personnes il accorda un cochon par semaine et trente cochons salés par an; ce qui faisait trois cochons par personne. Cuvier, ennuyé d’entendre dire que l’intérieur du corps du cochon ressemblait en tout à celui de l’homme et que les anciens chirurgiens, qui n’avaient pas le droit d’ouvrir les morts, étudiaient sur les cochons une anatomie équivalente, a écrit ces quelques lignes pour redresser l’erreur dans laquelle les historiens de la science médicale sont tombés.
«L’estomac de l’homme et celui du cochon n’ont aucune ressemblance; dans l’homme ce viscère a la forme d’une cornemuse, dans le cochon il est globuleux; dans l’homme, le foie est divisé en trois lobes, dans le cochon il est long et plat; dans l’homme, le canal intestinal égale sept à huit fois la longueur du corps, dans le cochon, il égale quinze à dix-huit fois la même longueur. L’épiploon c’est-à-dire cette partie qu’on appelle vulgairement toilette, est beaucoup plus étendu et plus chargé de graisse; et, ce qui est très consolant pour les âmes délicates qui ne veulent avoir rien de commun avec le naturel du cochon, c’est que son coeur présente des différences notables avec celui de l’homme.
«J’ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux esprits, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins considérable; ce qui prouve que ses facultés intellectuelles sont fort inférieures à celles de nos académiciens.» (Civier.) Le cochon est, avec le lapin, l’animal le plus prolifique qui soit au monde. Vauban, qui était, comme on le sait, excellent mathématicien, a fait sur les cochons un traité qu’il appelait: Ma cochonnerie. Il avait calculé la postérité d’une seule truie pendant douze ans.
Cette postérité se montait en enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, à 6 434 838 cochons. Le cochon a été longtemps regardé, à Naples, comme un personnage sacré; c’était le seul balayeur de rue qui existât dans la moderne Parthénope; il y avait peu de maisons où un cochon ne fût attaché avec une corde assez longue pour qu’il nettoyât un diamètre de vingt-quatre pieds. Aussi les cochons étaient-ils, ceux qu’on laissait libres, du moins, de toutes les fêtes. Un des frères du roi de Naples, nommé le prince Antoine, dont la réputation s’expliquera par un mot de son frère, disait devant le roi, en parlant du marquis de Sal... «Nous sommes amis comme cochons.» Et le roi lui répondait en haussant les épaules:
«Vous êtes encore plus cochon qu’ami.» Le prince Antoine fut surpris dans la chambre d’une paysanne, par un des frères de la jeune fille armé d’un bâton; il voulut se sauver par la fenêtre, où était appliquée une échelle, mais au bas de l’échelle il trouva le second frère armé d’un second bâton; il ne lui fallait pas passer par les verges du balai, mais par le manche; les deux frères s’en donnèrent si bien et vengèrent si galamment l’honneur de leur sœur sur le dos du prince Antoine, que celui-ci en mourut douze ou quinze jours après; on lui fit un enterrement en grandes pompes, qui partit du palais du roi et s’achemina vers Sainte-Claire, l’église des tombes royales. Mais l’étonnement fut grand lorsqu’on vit un énorme cochon, dont personne ne réclamait la propriété, prendre le haut du pavé et servir de conducteur au cortège; on fit tout ce qu’on put pour le chasser, mais rien au monde ne put parvenir à le faire dévier de sa route; arrivé à l’église Sainte-Claire il s’arrêta de lui-même, et monta les sept ou huit marches qui conduisent à l’intérieur de l’église. Alors on fit de nouveaux efforts pour éloigner l’animal immonde; mais celui-ci sembla défendre ce qu’il paraissait regarder comme son droit; le suisse s’avança en le menaçant de sa hallebarde, dont il allait peut-être le percer lorsqu’une voix dans la foule s’écria:
«Malheureux! ne voyez-vous pas que c’est l’âme du prince Antoine?» Il ne fallut que cet éclaircissement pour faire connaître les droits du cochon, à qui l’église fut ouverte et qui assista à toute la cérémonie mortuaire avec la tranquillité d’une âme qui sait qu’elle peut compter sur des prières. Le cochon est de tous les animaux celui qui est le plus employé dans la cuisine; car dans presque tous les mets, soit entrées ou rôtis, on se sert de lard et de jambon; les autres parties de cet animal sont moins recherchées; cependant la hure est un mets fort distingué, quand elle est apprêtée par un homme qui connaît bien son état; les pieds se servent à la Sainte-Menehould ou farcis de truffes; les oreilles se servent en menu de rois, et les poitrines s’emploient dans bien des ragoûts; il faut choisir le porc jeune et gras, mais bien prendre garde que sa chair ne soit envahie par des parasites qu’on appelle trichines; la science moderne a appris que cette invasion des trichines n’était rien autre chose que la ladrerie. Dans cet animal, il n’y a rien à jeter: de son sang on fait du boudin, de ses intestins des andouilles, des débris de ses chairs des saucisses et des fromages de cochon. Terminons par une boutade poétique et porcine du cuisinier lyrique Rouyer:
Entre Pâques et Pentecôte,
Que de Jambons l’on mangera! Aussi chacun, en aimable hôte, Sur ce mets, son mot contera. Citons la réponse naïve Faite par un gourmand abbé, A qui disait un gai convive:
- «Si dans la religion juive Vous viviez...; pour vous prohibé Ce Jambon gras, à chair exquise!...
- Oui; pour en manger bel et bien, (Si j’étais enfant de Moïse,) Je me ferais vite chrétien!» Bonne riposte à l’Esculape Grondant le bel esprit Beautru, Qui fait de ses draps une nappe Sur laquelle est un Jambon cru:
- «Quelle qu’en soit la provenance, Cuit ou non cuit, mon ordonnance Vous défend, malade piteux,
Ce jambon mauvais pour la goutte!...
- Pour Elle, oui, docteur, oui, sans doute; Mais qu’il est bon pour le goutteux!»
Dénerver, et dégraisser la joue de porc.
Tailles l’oignon rouge et l’ail.
Saisir les joues de porc, cuir les oignons, rajouter la pulpe de tomate, mouiller à hauteur, râper la noix de muscade, rajouter l’ail, couvrir, saler, laisser cuire 2h à frémissement.
Tailler des gros tronçons d’aubergine imprégner d’huile d’olive, tailler en cubes des aubergines (réserver une partie), arroser d’huile d’olive, saler poivrer de saupoudrer d’origan.
Saisir dans l’huile de sésame les cubes aubergines, rajouter les sésames blanc, déglacer avec le ponzu, mouiller légèrement, laisser cuire
Sortir du four les aubergines. Sortir les joues de porc de la cocotte faire réduire la sauce poivrer.
Poser les tronçons d’aubergines, mettre les cubes d’aubergine au sésame par dessus, rajouter au dessus les cubes d’aubergine cuits au four, disposer la joue porc arroser de la sauce, mettre un peu de gros sel.