Alexandre Dumas :
Mouton. - Il existe dans les montagnes de la Grèce, dans les îles de Chypre, de Sardaigne, de Corse, une race de moutons devenue excessivement rare sous le plomb des chasseurs, et que l’on croit être la race primitive de l’espèce actuelle; elle est de la grandeur du daim, et porte des cornes immenses; les moutons du Cap de Bonne-Espérance, ceux de la mer Caspienne, ceux d’Astrakan ont la queue si grosse qu’elle pèse jusqu’à vingt livres, quelques- uns traînent après eux une petite brouette sur laquelle leur queue repose pour que la laine ne soit pas gâtée en traînant à terre. Ce fut à Don Pèdre, roi de Castille, que l’Espagne fut redevable de l’introduction dans ce pays des moutons de Barbarie, qui ont donné tant de renommée aux laines de Castille; les profits que rapportèrent ces précieux animaux engagèrent les nobles espagnols, à l’instar de leur roi, de visiter et d’élever leurs troupeaux; les jours de la tonte étaient célébrés par des fêtes. Ce fut pour cette cause que les moutons, qui rapportaient à l’Espagne trente millions de rente, étaient appelés les joyaux de la couronne; un bélier de première race n’avait point de prix, et on en vit payer jusqu’à 500 piastres.
Au XVe siècle, Edouard IV, roi d’Angleterre, obtint de la munificence du roi d’Espagne trois mille animaux de cette belle race de moutons, seulement le changement de climat rendit la laine beaucoup plus longue et moins fine ; mais le soin extrême que les Anglais ont de leurs troupeaux, et l’extermination entière des loups, leur permirent de les tenir constamment en plein air. Les laines anglaises furent dès lors généralement recherchées ; c’est afin de rappeler sans cesse à la nation de quelle importance est ce commerce pour elle, que dans la chambre des lords un sac de laine servait autrefois, et je crois sert encore aujourd’hui, de siège à leur chancelier. Ce fut encore l’Espagne qui fournit à la France l’espèce nommée mérinos, qui se propagea de plus en plus chez nous, concurremment avec la grande espèce dite des moutons flandrins. M. Moorcoft dit avoir trouvé, en 1822, en pénétrant dans la Tartarie par les possessions anglaises de l’Inde, une espèce de mouton qui doit être enviée par l’Europe. C’est un animal domestique comme le chien, vivant dans la cour ou sous les toits de son maître, se nourrissant de tout, et partout s’engraissant des restes de la cuisine, mangeant jusqu’aux os qu’on lui jette; il est de petite taille, mais ses particularités, la bonté de sa chair, la finesse, le poids de sa toison, le mettent de niveau avec les races supérieures. Il donne deux agneaux et autant de tontes, qui rapportent trois livres de laine. En France, les moutons dont la chair est la plus estimée, sont ceux des Ardennes, de Langres, de La Crau et de pré-salé; jeune, le mouton se nomme agneau; sa chair est très tendre, mais moins succulente; plus tard, s’il n’a pas subi la castration, sa chair est moins estimée que celle de la brebis. Le mouton est une grande ressource dans tous les pays, mais particulièrement dans ceux où on ne trouve ni auberges, ni cuisines; je veux parler de l’Espagne, des bords du Nil et de l’Arabie. Lorsque l’on traverse des parties de désert, avec quatre ou six Arabes, on convient d’avance, et cela influe sur le prix, ou qu’on les nourrira, ou qu’ils se nourriront eux-mêmes. Quand on convient qu’on les nourrira, ils ont toujours faim, et il est impossible de les rassasier; quand on convient qu’on ne les nourrira pas, ils déjeunent avec une datte, dînent avec deux, serrent leur ceinture d’un cran après chaque repas, et tout est dit. En 1833 j’allais de Tunis à un amphithéâtre romain enfoncé de douze à quinze lieues dans le désert ; je fis marché avec quatre Arabes pour qu’ils me conduisissent à Djem-Djem; c’est le nom de cette ruine. Les Arabes s’étaient chargés de me fournir ma monture, c’est-à-dire un chameau et de se nourrir eux-mêmes; j’avais emporté dans une espèce de valise en fer -blanc un morceau de viande rôtie, des dattes, du vin, de l’eau et de l’eau-de-vie. Arrivés à la première halte où nous devions coucher, nous nous installâmes pour dîner, et à mon grand étonnement, je vis mes Arabes dîner avec quelques dattes et une banane ; j’eus honte de faire relativement à eux un si somptueux dîner quand ils avaient mangé à peine; je leur donnai les trois quarts de mon pain, toute ma viande rôtie, la moitié de mon fruit, et ne gardai que mon vin et mon eau; je leur annonçai alors que le lendemain nous déjeunerions tous ensemble avec un mouton, qu’ils eussent donc à s’en procurer un, ce qui me paraissait chose facile, ayant vu paître, cinq par cinq ou six par six, des bandes de moutons dans tous les endroits où il y avait de l’herbe. On se tromperait en croyant que le désert commence au rivage de la mer; ce n’est que douze ou quinze lieues plus loin que l’on trouve la solitude, la famine et la soif. Le lendemain, je fus réveillé par le bêlement d’un mouton. un de mes hommes s’était détaché pendant la nuit et moyennant cinq francs, avait fait l’acquisition d’un bel agneau d’une cinquantaine de livres; deux heures après nous étions à Djem-Djem, où il était convenu que l’on déjeunerait. J’avais beaucoup entendu parler de la façon de préparer le mouton au désert, je ne voulus donc rien perdre de ces préparatifs; comme il ne devait être cuit que deux heures après, qu’il ne fallait pas plus de deux heures pour visiter l’amphithéâtre, j’assistai à tous les détails de la cuisson. Les Arabes commencèrent par égorger l’agneau avec tous les détails religieux recommandés par le Koran, puis ils lui ouvrirent le ventre, jetèrent les intestins, conservèrent le coeur, le foie et le poumon, puis ils fouillèrent dans le sac aux provisions, lui remplirent le ventre avec des dattes, des figues, du raisin sec, du miel, du sel et du poivre ; après quoi le ventre fut recousu avec le plus grand soin ; pendant ce temps, les deux Arabes qui n’étaient pas occupés après l’agneau creusaient avec leur sabre une fosse de deux pieds de profondeur, l’emplissaient de bois sec, auquel ils mettaient le feu, après avoir prépare une autre brassée de bois sec près de celui qui se réduisait en braise; puis ils couchèrent sur ce lit de charbon ardent le mouton avec sa peau, le recouvrant de la brassée de bois qu’ils avaient préparée d’avance et qui prit feu aussitôt ; lorsque cette brassée de bois fut brûlée, le mouton se trouva enterré comme une châtaigne sous les cendres ; les Arabes alors rejetèrent sur lui une partie de la terre qu’on avait tirée de la fosse où il cuisait; puis ils me dirent d’aller voir l’amphithéâtre tout à mon aise et que, dans une heure et demie, le mouton serait cuit; au bout d’une heure et demie je revins, car j’avais grand-faim et surtout grande envie de goûter à la cuisine de mes guides; sans doute en avaient-ils aussi grande envie que moi, car à peine me virent-ils avec celui des Arabes qui parlait un peu l’italien et que j’avais emmené avec moi, qu’ils se mirent à fouiller leur feu souterrain, et qu’ils en tirèrent le mouton. Il était rôti comme une pomme de terre dont la peau est brûlée; en le grattant avec un poignard, sa peau prit la belle couleur dorée d’un rôti rissolé dont la cuisson est arrivée à son point; la laine brûlée disparaissait tout à fait, et l’on devinait derrière cette peau, dont pas une gerçure n’avait laissé échapper la graisse, une chair succulente et pleine de sapidité. Je ne savais comment dépecer ce mouton, et je fis signe au chef de notre escorte de l’attaquer le premier. Celui-ci ne se fit pas prier; il réunit le pouce et l’index, et, de même qu’un vautour eût donné un coup de bec, il lança sa main en avant, il pinça et arracha un ruban de chair; les autres en firent immédiatement autant, et comme je vis que si je ne me pressais pas le mouton serait disparu quand j’en demanderais ma part, je fis signe que je désirais qu’on me laissât faire à mon tour. Alors je détachai avec mon poignard une épaule de devant, et, peu jaloux de prendre ma part de cette curée à pleines mains, je déposai mon éclanche sur un des plats de mon nécessaire, et comme un enfant en pénitence, je fis mon repas à part ; mon Arabe m’avait tenu parole et m’avait rendu mon bidon plein d’eau fraîche. Je dois dire que j’ai mangé du mouton dans quelques unes des cuisines les plus renommées d’Europe, mais jamais je n’ai mangé de viande plus savoureuse que celle de mon mouton cuit sous les cendres, que je recommande à tous les voyageurs en orient.
Ingrédients : Agneau (poitrine et navarin), petits pois, basilic, sel poivre, pecorino.
Tagliatelles : ails, un œuf pour cent gramme de farine T65, huile d’olive, sel.
Matériel : Sauteuse, cuit pâtes, couteaux, lamineuse, papier sulfurisé.
Écosser les petits pois, trier en conservant la même taille.
Désosser l’agneau (enlever le gras). Tailler en petit cube.
Confire l’ail dans de l’huile d’olive, écraser, réserver, (prévoir trois têtes pour cent grammes de farine).
Mélanger l’œuf la farine et l’ail confit, saler, pétrir, passer au laminoir.
Équeuter les feuilles de basilic, ciseler au couteau ou avec des ciseaux.
Mettre dans la sauteuse les os, faire colorer, retirer, rajouter, les morceaux d’agneau, saisir.
Rajouter les petits pois, déglacer avec un peu d’eau les sucs couvrir avec du papier sulfurisé, (il doit toujours rester de l’eau en ajouter si nécessaire).
Râper le pecorino, le rajouter à la préparation il doit fondre dans le liquide.
Mélanger les tagliatelles cuites à la préparation, saupoudrer le basilic ciselé.
(les pâtes fraîches sont cuites rapidement)