Alexandre Dumas :
Poule, poulet, poularde. - Ce furent les habitants de l’île de Cos qui apprirent aux Romains l’art d’engraisser les volailles dans des lieux clos et sombres. La profusion qui existait à Rome de volailles engraissées obligea le consul Canius Fanius à faire une loi qui défendait d’élever les poules dans les rues. La poule est originaire de l’Inde ; mais du lieu de sa naissance elle s’est répandue sur presque tous les points du globe. Elle offre différentes variétés assez remarquables: en Turquie, son plumage est presque aussi riche que celui du faisan; en Chine, elle a de la laine au lieu de plumes; en Perse, il y en a toute une espèce qui n’a point de queue; dans l’Inde, elles ont la chair et les os noirs, ce qui ne les empêche pas d’être très bonnes à manger. Les poules furent poursuivies par les lois somptuaires, qui défendirent (et c’est celles-là qu’invoqua le consul Fanius) de servir sur la table une autre poule que la simple poule de basse-cour. Comme nous n’avons pas en France de lois somptuaires qui défendent d’engraisser la volaille, disons la manière qui leur donne à la fois le meilleur goût et la meilleure graisse possible. En trois semaines ou en un mois, nos poules deviendront des poulardes. Nourrissez-les pendant quelques jours avec de l’orge moulu, du son et du lait; mettez-les en cage dans un lieu obscur, mais non humide; enfin laissez
toujours à leur portée de la farine d’orge pétrie avec du lait. La nourriture du chapon est la même; les Romains châtraient les petits coqs à l’âge de trois mois, et ils engraissaient ces nouveaux chapons avec une pâtée de farine et de lait dans un lieu sombre. Ils châtraient aussi les poules en leur enlevant les ovaires pour en faire des poulardes grasses. Le sarrasin, plus encore que l’orge, se recommande aux gourmands pour l’engrais des oiseaux de basse-cour. Brillat-Savarin venait d’être malade; son médecin lui avait recommandé la diète. Un ami vint le voir et le trouva dépeçant une poularde du Mans.
- Est-ce là le régime d’un malade ? demande le visiteur indigné.
- Mon ami, lui répondit l’auteur de la Physiologie du goût, je vis d’orge et de sarrasin.
- Mais cette poularde ?
- Elle en a vécu deux mois; elle me fait vivre à son tour.
Puis, ajouta l’illustre magistrat dans son enthousiasme pindarique, quel présent nous ont fait les Maures en nous envoyant le sarrasin ! C’est sa graine qui rend la poularde si séduisante, si fine et si exquise. Lorsque je parcours la campagne et que je rencontre un champ de sarrasin, je ne puis me lasser d’admirer cette herbe bienfaisante qui embaume l’air quand elle est fleurie; ce parfum me jette dans une sorte d’extase, et je crois humer la vapeur de la poularde même dont elle sera un jour la nourriture.
Désosser les cuisses de poulet. Tailler en gros cube, saler, poivrer, ajouter les zestes de citron, les herbes aromatiques, fariner.
Dans un moule, alterner cœur d’artichaut et cube de poulet (bien tasser, recouvrir de lamelle de cœur d’artichaut.
Enfourner avec la peau du poulet (elle doit être croustillante) et des cœurs d’artichaut huilé à l’huile d’olive, 130° pour une heure.
Démouler, dresser.